dimanche 17 avril 2016

Transition université - marché du travail

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Un an après ma participation au congrès TINVOM - Translation and Interpreting: New Voices On the Marketplace, qui fut selon moi « un véritable succès et une excellente occasion d'ouverture pour les étudiants de rentrer en contact, souvent pour la première fois, avec des réalités dont ils avaient jusqu'alors une vision plus théorique que pratique », je voudrais revenir sur une problématique qui m'est chère, illustrée dans la citation qui précède : la transition des traducteurs-interprètes entre l'université et le monde du travail.

Il y a évidemment plusieurs angles d'approche possibles, personnellement je ferai référence à l'axe stratégique du raccord entre établissements d'éducation / de formation et le monde professionnel, déjà souligné dans mon plaidoyer pour un marketing de la traduction :
2) Employabilité : 
  • Mener une réflexion sur l'employabilité comme moyen d'augmenter le prestige de la profession, et en termes de formation tout au long de la vie. 
  • Déterminer le profil du traducteur. 
  • Mener des enquêtes appropriées et régulières auprès des employeurs. 
  • Prendre contact avec les employeurs et inviter des professionnels à intervenir comme formateurs et à évaluer le travail des étudiants au sein des programmes de traduction
  • Encourager les stages et conclure des conventions de formation avec l'industrie. 
  • Surveiller l'évolution des compétences requises dans la profession. 
5) Formation des formateurs : 
  • Élaborer un cadre général définissant un profil de compétences pour les formateurs de traducteurs. 
  • Créer une banque de ressources contenant du matériel pédagogique destiné aux formateurs de traducteurs. 
  • Développer le processus de formation tout au long de la vie des formateurs de traducteurs. 
  • Rédiger un guide de mise en place pour les nouveaux programmes de formation à la traduction professionnelle et traiter en particulier la question du passage de la philologie/études de lettres à la traduction. 
Source : document STRATÉGIE RELATIVE AU MASTER EUROPÉEN EN TRADUCTION (EMT), consulté le 11 décembre 2014
C'est donc l'approche préconisée par la Commission européenne, qui soutient par le biais de la Direction Générale de la Traduction (DGT) le programme de Master européen en traduction (EMT, European Master’s in Translation), en qualifiant de stratégique, entre autres, l’employabilité des traducteurs, et en fixant parmi les objectifs de l’EMT : « Collaborer avec les associations professionnelles, les institutions et les entreprises de traduction afin de conserver une compréhension approfondie des différentes facettes des professions liées à la traduction. »

À noter que cet article, soumis à l'appel à contribution pour le n° 1/2016 des Langues Modernes, n'avait pas été sélectionné pour publication. Certes, on peut le comprendre en lisant l'intitulé du numéro, Approches théoriques de la traduction, même si selon le rédacteur en chef dans son éditorial :
[U]n grand nombre de contributeurs et contributrices s’est manifesté courant 2015 depuis les quatre coins du monde pour proposer, soit des textes contenant une réflexion de fond sur les enjeux de la traductologie aujourd’hui, soit pour porter témoignage de pratiques réflexives de terrain autour de la traduction.
En charge d’une telle quantité de propositions, nous avons décidé de donner suite à beaucoup d’entre elles, et il y avait manifestement matière pour plus d’un numéro. Chemin faisant, est venue l’idée d’éditer d’abord un premier dossier – celui que vous avez en mains – consacré aux approches théoriques, puis un second, qui sortira en juin, et qui fera état d’approches pratiques diverses en matière de traduction.
Donc nous verrons bien en juin quelles sont ces "approches pratiques diverses" retenues, à défaut de la mienne, qui a probablement le tort de manifester trop explicitement ma principale source de divergences avec le monde académique : faire la part belle à la théorie aux dépens de la pratique.

Il y a un dicton plutôt cruel chez les professionnels italiens : « Quand quelqu'un ne sait pas faire son métier, il l'enseigne ! », comme pour mieux souligner la dichotomie qui se crée trop souvent entre théorie et pratique, plutôt que d'insister sur leurs complémentarités nécessaires. Certes, la chose n'est pas généralisable, mais en analysant quelques évaluations de licence de plusieurs universités, les résultats sont plutôt parlants :
  • L'université Jean Monnet identifie des axes d’amélioration là où les taux de satisfaction sont inférieurs à 60%, le plus bas concernant l'affirmation selon laquelle « L’information sur les débouchés professionnels est satisfaisante », puisque seuls 42% des répondants se déclarent « tout-à-fait d’accord » et « plutôt d’accord » ;
  • Pour l'université François Rabelais de Tours, les « liens avec l'univers professionnel » sont parmi les 3 items les plus insatisfaisants (selon près de 90% des répondants !) ;
  • À l'université de Nantes, « (l)es intervenants professionnels extérieurs sont encore trop rares et limités à certaines mentions bien particulières » ;
  • Pour l'université d'Angers, c'est sur l'insertion professionnelle que le dossier d'évaluation « est le moins performant » ;
  • Enfin, l'université Paris 10 Nanterre mentionne au rang des aspects les plus faibles le « (p)eu de réflexion relative à l'insertion professionnelle en termes d'UE et de suivi de cohortes d'étudiants ».
Au point que cette dernière avance la recommandation suivante :
Une restructuration de l'offre de formation liée aux licences bi-disciplinaires Droit français-Droits de l'Europe / Droit anglo-américain s'impose dans une optique de cohésion, de lisibilité et de débouchés de l'offre de formation. Pour parfaire cette formation, il conviendra de veiller
  • à renforcer son pilotage en s'appuyant sur une réflexion forte relative à une évaluation tant des enseignements que des étudiants, 
  • à renforcer les potentialités de professionnalisation par la création de modules professionnalisants ainsi que par l'organisation d'un suivi de l'insertion professionnelle des étudiants facilité par le nombre restreint d'étudiants, 
  • à s'ouvrir à d'autres compétences transversales que les langues.
Ceci pour dire que ma position est loin d'être une vue de l'esprit, et qu'elle est souvent partagée par des étudiants frais émoulus qui se trouvent enfin face à la "jungle" professionnelle mais découvrent qu'ils/elles n'y sont pas forcément préparé(e)s.

Or qui aurait son mot à dire sur cette professionnalisation / formation professionnalisante si ce ne sont ... les professionnels, justement !

Est-ce un hasard ? Ces établissements font partie d'un échantillon de trente universités, écoles et associations françaises directement impliquées dans la traduction à qui j’avais envoyé fin 2013 un courriel ciblé, renouvelé en 2015, pour leur proposer d’adapter en français la formation au marketing & branding à l’intention des traducteurs-interprètes (et des agences de traduction) que je dispense avec succès en Italie depuis 2011. Pour n’obtenir en retour que trois réponses potentiellement intéressées (10%) et trois autres déclinant poliment l’offre (10%) : 80% des personnes contactées (toutes responsables à différents titres de la filière) ne se sont jamais donné la peine de répondre !

Il est clair que les universités peuvent avoir des problèmes budgétaires (une professeure m'a gentiment fait comprendre que leur budget pour les interventions en sus des cours prévus dans la maquette dépendent de la taxe d'apprentissage, qui est bien trop maigre pour cela), mais globalement cette (non-)réaction est un signe de ce que les espaces de dialogue et de collaboration entre universités et univers professionnel sont vraiment difficiles à conquérir.

Pourtant lorsque j'avais mon bureau au centre de Rome, j'avais accueilli des étudiantes stagiaires (provenant notamment de Rennes 2 et de Grenoble), dont une m'a laissé dans son rapport de stage un témoignage vraiment touchant. Mais pour qu'il y ait dialogue et coopération entre toutes les parties impliquées, encore faut-il que chacune fasse sa part, et vu la situation actuelle, ça n’a pas l'air gagné d’avance !

Par ailleurs, s'il est vrai que les jeunes issus de l’enseignement supérieur arrivant aujourd’hui sur le marché du travail exerceront difficilement leur activité dans une même entreprise pendant toute leur vie, alors l’enjeu principal pour les structures d’enseignement supérieur n’est pas tant de « coller » aux besoins des entreprises, que de donner aux jeunes toutes les bases dont ils ont besoin pour évoluer dans un métier qui connaîtra nécessairement des changements importants en raison des évolutions technologiques et organisationnelles.

Citation extraite du chapitre III intitulé « Mieux définir les rôles respectifs des structures universitaires et des entreprises dans la professionnalisation », du rapport L’insertion des jeunes sortis de l’enseignement supérieur, rendu il y a déjà dix ans mais qui garde toute son actualité si l'on en croit la situation professionnelle de nombre de jeunes un an après le diplôme.

Par conséquent, conformément au souhait du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche de dynamiser les relations entre l'École et le monde professionnel en leur donnant une impulsion nouvelle, au lieu de se murer dans un silence froid il serait bon que les professeurs des universités commencent par dialoguer avec les professionnels qui les contactent.

À travers mon compte Twitter je suis 65 comptes des Universités de France, et une seule m'a répondu !


Voici donc ces 65 comptes d'universités françaises, classés par ordre décroissant en partant du plus grand nombre de followers et relevés le dimanche 17 avril 2016, à suivre sur une liste Twitter dédiée (work in progress), auxquels j'ai inclus celui de l'ISIT (Intercultural School, une grande école de management et de communication interculturels, ex-Institut Supérieur d'Interprétation et de Traduction, tournée vers l'international).

[MàJ - 12 mai 2016] Voir mon interview de l'ISIT...

Voir également cet autre classement d'influence sur Twitter.

Compte Twitter Nombre d'abonnés Date d'inscription à Twitter Nom et site de l'université
@UnivNantes 25 138 Janv. 2008 Université de Nantes
@SorbonneParis1 20 324 Fév. 2010 Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
@Paris_Sorbonne 18 204 Nov. 2010 Université Paris-Sorbonne
@upmc 14 303 Janv. 2009 Université Pierre et Marie Curie
@univ_lyon2 13 000 Avril 2010 Université Lumière Lyon 2
@UnivParis8 11 437 Juin 2010 Université Paris 8
@unistra 11 224 Janv. 2011 Université de Strasbourg
@univbordeaux 10 680 Nov. 2009 Université de Bordeaux
@UniversiteLyon 10 517 Mars 2010 Université de Lyon
@Paris_Dauphine 10 488 Oct. 2009 Université Paris-Dauphine
@UnivLyon1 10 426 Juil. 2009 Universitė Claude Bernard Lyon 1
@ParisDiderot 10 321 Juin 2009 Université Paris Diderot
@UnivRennes1 9 887 Sept. 2009 Université Rennes 1
@ParisOuest 9 532 Oct. 2009 Université Paris Ouest Nanterre La Défense
@Lille3 9 349 Nov. 2009 Université Lille 3 Sciences Humaines et Sociales
@AssasParisII 8 950 Mai 2011 Université Panthéon-Assas - Paris II
@Univ_Lille1 8 716 Août 2009 Université Lille 1 - Sciences et Technologies
@UnivAngers 8 413 Avril 2009 Université d'Angers
@UJML 8 357 Fév. 2010 Université Jean Moulin Lyon 3
@Univ_Nice 8 184 Sept. 2009 Université de Nice Sophia Antipolis
@Univ_Lorraine 7 868 Juil. 2011 Université de Lorraine
@Universite_Caen 7 425 Juil. 2011 Université de Caen Normandie
@uvsq 7 328 Sept. 2009 Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
@UnivAvignon 7 229 Juin 2009 Université d'Avignon et des pays du Vaucluse
@UBMontaigne 7 207 Juin 2010 Université Bordeaux Montaigne (ex-Bordeaux 3)
@upemlv 6 630 Janv. 2010 Université Paris-Est Marne-la-Vallée
@UnivTours 6 560 Fév. 2010 Université François-Rabelais de Tours
@UniversiteCergy 6 497 Sept. 2010 Université de Cergy-Pontoise
@UnivCorse 6 428 Fév. 2011 Université de Corse Pasquale Paoli
@univtoulon 6 229 Oct. 2009 Université de Toulon
@UBO_UnivBrest 6 084 Oct. 2009 Université de Bretagne Occidentale
@Univ_Auvergne 5 994 Juil. 2009 Université d'Auvergne Clermont 1
@unilim 5 992 Déc. 2008 Université de Limoges
@univbourgogne 5 520 Juil. 2011 Université de Bourgogne
@UnivPoitiers 5 507 Août 2010 Université de Poitiers
@UTJeanJaures 5 421 Déc. 2009 Université Toulouse - Jean Jaurès (ex UTM)
@universitereims 5 153 Avril 2011 Université de Reims Champagne-Ardenne
@U_ParisSaclay 4 790 Déc. 2013 Université Paris-Saclay
@univ_lille2 4 642 Déc. 2011 Université Lille 2
@UnivLaRochelle 4 557 Mars 2010 Université de La Rochelle
@UPECactus 4 271 Oct. 2010 Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne (ex Paris 12)
@UnivRennes_2 4 217 Avril 2013 Université Rennes 2
@universite_uppa 3 901 Nov. 2010 Université de Pau et des Pays de l'Adour
@UT3PaulSabatier 3 717 Déc. 2011 Université Toulouse III - Paul Sabatier
@Univ_Artois 3 646 Sept. 2010 Université d'Artois
@univpaulvalery 3 600 Fév. 2013 Université Paul Valéry - Montpellier 3
@Univ_Savoie 3 385 Sept. 2011 Université Savoie Mont Blanc
@UT1Capitole 3 360 Oct. 2009 Université Toulouse 1 Capitole
@ucly 3 200 Août 2009 Université Catholique de Lyon
@u_psud 3 107 Juin 2012 Université Paris-Sud
@upvd1 3 006 Janv. 2012 Université Perpignan Via Domitia
@SorbonneParis3 2 872 ? Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3
@Univ_St_Etienne 2 490 Sept. 2011 Université Jean Monnet Saint-Étienne
@Universite_Mans 2 362 Juin 2011 Université du Maine / Le Mans - Laval
@utbm_fr 2 320 Juin 2010 Université de technologie Belfort-Montbéliard
@Univ_Reunion 2 086 Avril 2011 Université de La Réunion
@Univ_Clermont2 1 993 Sept. 2009 Université Blaise Pascal Clermont 2
@upjv 1 955 Nov. 2011 Université de Picardie Jules Verne
@umontpellier 1 865 Janv. 2014 Université de Montpellier
@uCezanne 1 829 Juin 2009 Université d'Aix-Marseille
@unimesfr 1 780 Nov. 2011 Université de Nîmes
@UnivChampollion 1 316 Janv. 2011 Institut National Universitaire Champollion
@UGrenobleAlpes 890 ? Université Grenoble Alpes
@isit 314 Janv. 2014 Intercultural School
@universitepf 183 Sept. 2009 Université de la Polynésie Française
@Master_TSM 143 Janv. 2014 Master Traduction Spécialisée Multilingue, Université Lille 3

À noter quelques curiosités :

Merci de me signaler tout oubli éventuel...



samedi 2 avril 2016

Le palimptexte terminologique

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Une réflexion qui vient de loin...

Dans Welcome to the Word Century, je définis le palimptexte terminologique par le contraste essentiellement spatial entre "fiche terminologique 1.0" et "fiche terminologique 2.0" :
  1. la première tient dans l'espace plan du papier, forcé de se faire palimpseste où se succèdent les polysémies temporelles créées par "la science humaine en marche" ;
  2. la seconde a pour univers l'espace virtuel, palimptexte qui contextualise à l'infini chaque terme : on part du mot et on arrive au monde...
Ceci dit, en me relisant je me rends compte dix ans plus tard que mon billet intitulé Palimptexte : une tentative de définition n'en fournissait aucune !

La voici donc :
Le palimptexte est la traduction étymologique de « nouveau texte », qui inscrit la nature bidirectionnelle de l'hypertexte (la progression vers un nouveau lien d'arrivée ou de transit et le possible retour en arrière vers le lien de départ) et la nouvelle forme du texte internettisé (écrit/oral) au cœur d’une interaction permanente auteur(s)/lecteur(s). 
Dans un commentaire à mon billet sur l'Internet aujourd’hui : de l'hypertexte au palimptexte, Sylvain de Campou étendait fort justement cette interaction à la « notion de mémoire collective, constituée par l'évolution des nœuds qui constituent le réseau » :
Le nombre de nœuds dans le réseau est endémique (nombre de participants croissant, avancées technologiques...) et en parallèle de nouveaux modes relationnels se développent (les TIC en étant un accélérateur). 
Ces modalités relationnelles sont à mon sens partie intégrante de la transformation du texte (au sens premier) : elles influent sur le sens même du texte car elles agrègent de nouveaux points de contact (nœuds) entre des espaces du réseau pas forcément liés auparavant. 
(C'est moi qui souligne).

Tout ceci se situant dans un monde où plus de 90% des données produites l'ont été au cours des 2 ou 3 dernières années, dans une croissance exponentielle des "big data" qui devrait nous faire générer plus d'un trilliard (1021) d'octets de données par an.


Une quantité considérable de ces données étant des mots, de simples mots ! Prenons le seul exemple de Twitter.

Au moment où j'écris, les plus de 320 millions d'utilisateurs actifs chaque mois postent :


soit :

7 162 tweets/seconde = x 60
429 720 tweets/minute = x 60
25 783 200 tweets/heure = x 24
618 796 800 tweets/jour = x 365
225 860 832 000 tweets/an

dans une courbe qui ne cesse de progresser (ainsi lorsque vous lirez ces lignes, il est probable que cette statistique sera déjà dépassée...).

Selon Twitter, 1 tweet = 25 mots


Ce sont donc plus de 5,6 milliards de mots dans toutes les langues qui transitent chaque année sur le réseau social : 5 646 520 800 000 pour être précis, avec une moyenne de 5,6 caractères/mot (140/25), soit légèrement moins qu’en traduction [où le rapport de 1250 caractères espaces non compris par page théorique de 200 mots (8 mots par ligne sur 25 lignes) donne 6,25 caractères/mot]. Sur un seul réseau social ! Imaginez si l'on connaissait les stats de Facebook et des autres...

Or les mots donnent naissance aux termes, la différence entre les uns et les autres étant qu'un seul terme peut se composer de plusieurs mots : « palimptexte terminologique » est un terme formé par deux mots, qui constituent une « unité linguistique désignant un concept, un objet ou un processus », la terminologie étant « la discipline ou science qui étudie les termes, leur formation, leurs emplois, leurs significations, leur évolution, leurs rapports à l’univers perçu ou conçu » 1.

Par conséquent, dans mon idée, que définit en 2016 cette unité linguistique de « palimptexte terminologique » ?

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Rappelons ici ce que j'écrivais dans :
« Bienvenue dans le siècle-monde », où le temps et l’espace finissent par se rejoindre à la surface de l’écran, l’interface, donnés « à voir dans l’immédiateté d’une transmission instantanée », dans « cet emplacement sans emplacement » où « l’épuisement du relief naturel et des distances de temps télescope toute localisation, toute position », où « Comme les événements retransmis en direct, les lieux deviennent interchangeables à volonté » 2, où « L’INFORMATION est le seul ‘relief’ de la réalité, son unique ‘volume’. (…) Désormais, tout arrive sans qu’il soit nécessaire de partir, mais ce qui ‘arrive’, ce n’est déjà plus l’étape ou le but du voyage, mais seulement l’information, l’information-monde, que dis-je, l’information-univers ! » 3… 
Un ‘voyage’ sans trajet ni départ où le prétendu dépassement des limites physiques et spatio-temporelles n’efface pourtant pas l’ultime frontière, celle du dispersement linguistico-culturel (...) dressant désormais presque autant de barrières qu’il y a … d’hommes et de femmes.
Transposé à la terminologie, ou mieux, à la fiche terminologique, ce ‘voyage’ n'en est qu'à ses débuts, avec de nouveaux horizons qui se profilent à court-moyenne échéance : l'Internet des objets et l'Intelligence artificielle, le Web sémantique (ou Web 3.0) étant déjà réalité.

Les résultats de Google offrent un indice de cette manière "moderne" de concevoir la terminologie, où chaque terme est ressorti en première page dans une approche tripartite (verticalisation + personnalisation + recherche universelle) :


À laquelle s'ajoute ce que Marissa Mayer définissait, lorsqu'elle travaillait encore à Mountain View, par les "très insaisissables intentions de l'utilisateur" :
Cela m'a permis de découvrir le formidable niveau de sophistication qu'atteint aujourd'hui la recherche sur le Web, et les progrès accomplis en peu de temps, notamment au niveau de la recherche universelle, qui nous a conduit cette année à modifier la page de résultats tant sur la forme que sur les fonctionnalités. À présent notre équipe qualité recherche se penche sur les toujours très insaisissables "intentions de l'utilisateur" ("voici ma requête, voici ce que je veux dire"). Cela nous permettra de rendre toujours plus utile la recherche universelle : vous obtiendrez des photos ou des cartographies lorsque ce sera ce que vous attendez. Une meilleure compréhension des intentions de l'utilisateur nous aidera également à surmonter les barrières linguistiques en trouvant la meilleure réponse possible indépendamment de la langue utilisée et de là où elle se trouve sur le Web.
Des intentions que le Web sémantique permet de mieux saisir pour accroître la rapidité et l'exhaustivité des résultats en les élargissant au sens des mots sans se limiter à leur seule présence, c'est-à-dire en contextualisant la recherche pour la rendre plus pertinente (sur la requête "café", est-ce que je cherche un bar, une marque, une boisson à base de, etc.), en corrélant les documents entre eux et en les filtrant pour éliminer le bruit, et suggérer en conséquence d'autres termes ou axes de recherche...

L'approche distributionnaliste est une autre piste particulièrement prometteuse, j'aurai l'occasion d'y revenir.

Appliqué à notre cas, cela signifie donc trouver la meilleure réponse TERMINOLOGIQUE possible indépendamment de la langue utilisée et de là où elle se trouve sur le Web !

Afin de créer à la volée pour chaque terme recherché un "nouveau texte", conjuguant l'écrit, l'oral, le visuel, l'auditif, voire le toucher, etc., au sein d'un "nouveau contexte", une sorte de page clé contenant le "palimptexte terminologique". Le site paper.li est un exemple de cette création instantanée de contenus autour d'un sujet, où il est possible de sélectionner les médias sociaux et les sources de son choix pour mieux les affiner ensuite.

Par rapport à la "fiche terminologique 1.0", plutôt figée quand bien même construite autour d'un nombre variable d'axes (linguistique, encyclopédique, ontologique, plurilingue, etc.) et de champs (vedette - ou terme -, langue, morphologie, domaine, sous-domaine, définition, source, synonyme, traduction par langue, composition, citation, étymologie, et on pourrait en inclure de nombreux autres : annexes, antonymes, auteurs, niveau de confidentialité, contexte, dates, définitions, et ainsi de suite), la "fiche terminologique 2.0" est davantage dynamique et s'élabore "au fil de l'eau", c'est-à-dire progressivement et proportionnellement aux intérêts et besoins du moment.

La profusion de données disponibles d'un clic sur toutes les connaissances humaines y est pour quelque chose, notamment les données personnelles que chacun peut personnaliser à loisir, le tout étant de savoir trier les informations pertinentes et délaisser les autres.

Certes, il y a sans le moindre doute beaucoup plus de rigueur scientifique dans la première que dans la deuxième, mais en revanche celle-ci est plus pratique et immédiatement (ré)utilisable que celle-là.

Un gros avantage à l'heure où la rapidité devient un facteur clé de concurrence commerciale, et une réalité parfaitement compatible avec les différentes finalités relevées par Aline Francœur dans son article "La fiche terminologique, entre théorie et pratique" :
Pour Pavel et Nolet (2002 : 108), la fiche terminologique est un « [m]odèle de présentation des données qui regroupe en divers champs tous les renseignements disponibles relatifs à un concept spécialisé (termes et marques d’usage, justifications textuelles, domaines, langues, etc.) ». Dubuc (2002 : 81-82) la définit comme « un document qui contient, sous une forme facilement accessible et repérable, des renseignements permettant d’identifier un terme, associé à un contenu notionnel suffisant, dans un domaine donné et dûment attesté par une source digne de foi ». Rondeau (1983 : 82) estime pour sa part que « [l]a fiche terminologique peut être décrite comme le dossier d’une notion ou encore comme un moyen de délimiter, expliciter et classer une notion et de la relier à une ou plusieurs dénominations »* 
* Dans l’optique de la théorie générale de la terminologie, la fiche découle d’une démarche onomasiologique, qui va du concept vers le terme. C’est donc le concept qui en constitue le pivot. 4
On part du monde, et on arrive au mot !


Notes bibliographiques :
  1. GOUADEC D. (1990), Terminologie - Constitution des données, AFNOR (collection AFNOR GESTION), p. 19
  2. VIRILIO P. (1984), L’espace critique, Christian Bourgois Éditeur, p. 19
  3. VIRILIO P. (1993), L’art du moteur, Éditions Galilée, p. 167
  4. DUBUC, R. (2002) : Manuel pratique de terminologie, 4 e éd., Brossard, Linguatech, 194 p.
    PAVEL, S. et D. NOLET (2002) : Précis de terminologie, Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 136 p.
    RONDEAU, G. (1983) : Introduction à la terminologie, 2 e éd., Chicoutimi, Gaëtan Morin, 238 p.
Références (les 4 billets qui ont donné naissance à celui-ci) :
  1. L'Internet aujourd'hui : de l'hypertexte au palimptexte (publié le samedi 23 septembre 2006)
  2. Palimptexte : une tentative de définition (publié le mardi 19 septembre 2006)
  3. Welcome in the World Century (publié le mardi 3 juillet 2007)
  4. Welcome to the Word Century (publié le dimanche 3 juillet 2011)
J'en profite pour signaler un travail universitaire que je viens juste de découvrir, signé Madame Elena Ungureanu: Textul şi -textele, consacré au texte et à tous les termes liés, qui mentionne mes deux premiers billets de 2006 !