samedi 2 avril 2016

Le palimptexte terminologique

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Une réflexion qui vient de loin...

Dans Welcome to the Word Century, je définis le palimptexte terminologique par le contraste essentiellement spatial entre "fiche terminologique 1.0" et "fiche terminologique 2.0" :
  1. la première tient dans l'espace plan du papier, forcé de se faire palimpseste où se succèdent les polysémies temporelles créées par "la science humaine en marche" ;
  2. la seconde a pour univers l'espace virtuel, palimptexte qui contextualise à l'infini chaque terme : on part du mot et on arrive au monde...
Ceci dit, en me relisant je me rends compte dix ans plus tard que mon billet intitulé Palimptexte : une tentative de définition n'en fournissait aucune !

La voici donc :
Le palimptexte est la traduction étymologique de « nouveau texte », qui inscrit la nature bidirectionnelle de l'hypertexte (la progression vers un nouveau lien d'arrivée ou de transit et le possible retour en arrière vers le lien de départ) et la nouvelle forme du texte internettisé (écrit/oral) au cœur d’une interaction permanente auteur(s)/lecteur(s). 
Dans un commentaire à mon billet sur l'Internet aujourd’hui : de l'hypertexte au palimptexte, Sylvain de Campou étendait fort justement cette interaction à la « notion de mémoire collective, constituée par l'évolution des nœuds qui constituent le réseau » :
Le nombre de nœuds dans le réseau est endémique (nombre de participants croissant, avancées technologiques...) et en parallèle de nouveaux modes relationnels se développent (les TIC en étant un accélérateur). 
Ces modalités relationnelles sont à mon sens partie intégrante de la transformation du texte (au sens premier) : elles influent sur le sens même du texte car elles agrègent de nouveaux points de contact (nœuds) entre des espaces du réseau pas forcément liés auparavant. 
(C'est moi qui souligne).

Tout ceci se situant dans un monde où plus de 90% des données produites l'ont été au cours des 2 ou 3 dernières années, dans une croissance exponentielle des "big data" qui devrait nous faire générer plus d'un trilliard (1021) d'octets de données par an.


Une quantité considérable de ces données étant des mots, de simples mots ! Prenons le seul exemple de Twitter.

Au moment où j'écris, les plus de 320 millions d'utilisateurs actifs chaque mois postent :


soit :

7 162 tweets/seconde = x 60
429 720 tweets/minute = x 60
25 783 200 tweets/heure = x 24
618 796 800 tweets/jour = x 365
225 860 832 000 tweets/an

dans une courbe qui ne cesse de progresser (ainsi lorsque vous lirez ces lignes, il est probable que cette statistique sera déjà dépassée...).

Selon Twitter, 1 tweet = 25 mots


Ce sont donc plus de 5,6 milliards de mots dans toutes les langues qui transitent chaque année sur le réseau social : 5 646 520 800 000 pour être précis, avec une moyenne de 5,6 caractères/mot (140/25), soit légèrement moins qu’en traduction [où le rapport de 1250 caractères espaces non compris par page théorique de 200 mots (8 mots par ligne sur 25 lignes) donne 6,25 caractères/mot]. Sur un seul réseau social ! Imaginez si l'on connaissait les stats de Facebook et des autres...

Or les mots donnent naissance aux termes, la différence entre les uns et les autres étant qu'un seul terme peut se composer de plusieurs mots : « palimptexte terminologique » est un terme formé par deux mots, qui constituent une « unité linguistique désignant un concept, un objet ou un processus », la terminologie étant « la discipline ou science qui étudie les termes, leur formation, leurs emplois, leurs significations, leur évolution, leurs rapports à l’univers perçu ou conçu » 1.

Par conséquent, dans mon idée, que définit en 2016 cette unité linguistique de « palimptexte terminologique » ?

* * *

Rappelons ici ce que j'écrivais dans :
« Bienvenue dans le siècle-monde », où le temps et l’espace finissent par se rejoindre à la surface de l’écran, l’interface, donnés « à voir dans l’immédiateté d’une transmission instantanée », dans « cet emplacement sans emplacement » où « l’épuisement du relief naturel et des distances de temps télescope toute localisation, toute position », où « Comme les événements retransmis en direct, les lieux deviennent interchangeables à volonté » 2, où « L’INFORMATION est le seul ‘relief’ de la réalité, son unique ‘volume’. (…) Désormais, tout arrive sans qu’il soit nécessaire de partir, mais ce qui ‘arrive’, ce n’est déjà plus l’étape ou le but du voyage, mais seulement l’information, l’information-monde, que dis-je, l’information-univers ! » 3… 
Un ‘voyage’ sans trajet ni départ où le prétendu dépassement des limites physiques et spatio-temporelles n’efface pourtant pas l’ultime frontière, celle du dispersement linguistico-culturel (...) dressant désormais presque autant de barrières qu’il y a … d’hommes et de femmes.
Transposé à la terminologie, ou mieux, à la fiche terminologique, ce ‘voyage’ n'en est qu'à ses débuts, avec de nouveaux horizons qui se profilent à court-moyenne échéance : l'Internet des objets et l'Intelligence artificielle, le Web sémantique (ou Web 3.0) étant déjà réalité.

Les résultats de Google offrent un indice de cette manière "moderne" de concevoir la terminologie, où chaque terme est ressorti en première page dans une approche tripartite (verticalisation + personnalisation + recherche universelle) :


À laquelle s'ajoute ce que Marissa Mayer définissait, lorsqu'elle travaillait encore à Mountain View, par les "très insaisissables intentions de l'utilisateur" :
Cela m'a permis de découvrir le formidable niveau de sophistication qu'atteint aujourd'hui la recherche sur le Web, et les progrès accomplis en peu de temps, notamment au niveau de la recherche universelle, qui nous a conduit cette année à modifier la page de résultats tant sur la forme que sur les fonctionnalités. À présent notre équipe qualité recherche se penche sur les toujours très insaisissables "intentions de l'utilisateur" ("voici ma requête, voici ce que je veux dire"). Cela nous permettra de rendre toujours plus utile la recherche universelle : vous obtiendrez des photos ou des cartographies lorsque ce sera ce que vous attendez. Une meilleure compréhension des intentions de l'utilisateur nous aidera également à surmonter les barrières linguistiques en trouvant la meilleure réponse possible indépendamment de la langue utilisée et de là où elle se trouve sur le Web.
Des intentions que le Web sémantique permet de mieux saisir pour accroître la rapidité et l'exhaustivité des résultats en les élargissant au sens des mots sans se limiter à leur seule présence, c'est-à-dire en contextualisant la recherche pour la rendre plus pertinente (sur la requête "café", est-ce que je cherche un bar, une marque, une boisson à base de, etc.), en corrélant les documents entre eux et en les filtrant pour éliminer le bruit, et suggérer en conséquence d'autres termes ou axes de recherche...

L'approche distributionnaliste est une autre piste particulièrement prometteuse, j'aurai l'occasion d'y revenir.

Appliqué à notre cas, cela signifie donc trouver la meilleure réponse TERMINOLOGIQUE possible indépendamment de la langue utilisée et de là où elle se trouve sur le Web !

Afin de créer à la volée pour chaque terme recherché un "nouveau texte", conjuguant l'écrit, l'oral, le visuel, l'auditif, voire le toucher, etc., au sein d'un "nouveau contexte", une sorte de page clé contenant le "palimptexte terminologique". Le site paper.li est un exemple de cette création instantanée de contenus autour d'un sujet, où il est possible de sélectionner les médias sociaux et les sources de son choix pour mieux les affiner ensuite.

Par rapport à la "fiche terminologique 1.0", plutôt figée quand bien même construite autour d'un nombre variable d'axes (linguistique, encyclopédique, ontologique, plurilingue, etc.) et de champs (vedette - ou terme -, langue, morphologie, domaine, sous-domaine, définition, source, synonyme, traduction par langue, composition, citation, étymologie, et on pourrait en inclure de nombreux autres : annexes, antonymes, auteurs, niveau de confidentialité, contexte, dates, définitions, et ainsi de suite), la "fiche terminologique 2.0" est davantage dynamique et s'élabore "au fil de l'eau", c'est-à-dire progressivement et proportionnellement aux intérêts et besoins du moment.

La profusion de données disponibles d'un clic sur toutes les connaissances humaines y est pour quelque chose, notamment les données personnelles que chacun peut personnaliser à loisir, le tout étant de savoir trier les informations pertinentes et délaisser les autres.

Certes, il y a sans le moindre doute beaucoup plus de rigueur scientifique dans la première que dans la deuxième, mais en revanche celle-ci est plus pratique et immédiatement (ré)utilisable que celle-là.

Un gros avantage à l'heure où la rapidité devient un facteur clé de concurrence commerciale, et une réalité parfaitement compatible avec les différentes finalités relevées par Aline Francœur dans son article "La fiche terminologique, entre théorie et pratique" :
Pour Pavel et Nolet (2002 : 108), la fiche terminologique est un « [m]odèle de présentation des données qui regroupe en divers champs tous les renseignements disponibles relatifs à un concept spécialisé (termes et marques d’usage, justifications textuelles, domaines, langues, etc.) ». Dubuc (2002 : 81-82) la définit comme « un document qui contient, sous une forme facilement accessible et repérable, des renseignements permettant d’identifier un terme, associé à un contenu notionnel suffisant, dans un domaine donné et dûment attesté par une source digne de foi ». Rondeau (1983 : 82) estime pour sa part que « [l]a fiche terminologique peut être décrite comme le dossier d’une notion ou encore comme un moyen de délimiter, expliciter et classer une notion et de la relier à une ou plusieurs dénominations »* 
* Dans l’optique de la théorie générale de la terminologie, la fiche découle d’une démarche onomasiologique, qui va du concept vers le terme. C’est donc le concept qui en constitue le pivot. 4
On part du monde, et on arrive au mot !


Notes bibliographiques :
  1. GOUADEC D. (1990), Terminologie - Constitution des données, AFNOR (collection AFNOR GESTION), p. 19
  2. VIRILIO P. (1984), L’espace critique, Christian Bourgois Éditeur, p. 19
  3. VIRILIO P. (1993), L’art du moteur, Éditions Galilée, p. 167
  4. DUBUC, R. (2002) : Manuel pratique de terminologie, 4 e éd., Brossard, Linguatech, 194 p.
    PAVEL, S. et D. NOLET (2002) : Précis de terminologie, Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 136 p.
    RONDEAU, G. (1983) : Introduction à la terminologie, 2 e éd., Chicoutimi, Gaëtan Morin, 238 p.
Références (les 4 billets qui ont donné naissance à celui-ci) :
  1. L'Internet aujourd'hui : de l'hypertexte au palimptexte (publié le samedi 23 septembre 2006)
  2. Palimptexte : une tentative de définition (publié le mardi 19 septembre 2006)
  3. Welcome in the World Century (publié le mardi 3 juillet 2007)
  4. Welcome to the Word Century (publié le dimanche 3 juillet 2011)
J'en profite pour signaler un travail universitaire que je viens juste de découvrir, signé Madame Elena Ungureanu: Textul şi -textele, consacré au texte et à tous les termes liés, qui mentionne mes deux premiers billets de 2006 !




1 commentaire:

  1. C'est chouette de voir et continuer à lire des gens qui ont de la mémoire !! Et oui nombre de réflexions / intuitions continuent à maturer avec le temps passé à continuer à arpenter les liens. En tout cas merci de la citation.

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