Mea culpa, errare umanum est ! La première "traduction automatique" produite au monde (1931), du français à l'italien, n'était pas la première, mais la seconde ! Mon erreur est due au fait qu'à cause d'une panne de NAS, je n'avais plus accès depuis plusieurs semaines au livre de Federico Pucci, intitulé (pour mémoire) « Il traduttore meccanico ed il metodo per corrispondersi fra europei conoscendo Ciascuno solo la propria Lingua : Parte I. », dont voici la couverture :
Traduction : « Le traducteur mécanique et la méthode pour correspondre entre européens, chacun en connaissant uniquement sa propre langue », 1e partie.
Or maintenant que le problème est résolu, je me rends compte qu'il a publié l'exemple de Zadig en page 34 :
alors que dès la page 27 il nous propose un passage de Dante :
en expliquant ensuite, dans le détail, sa méthode pour traduire "automatiquement" de l'italien au français ce texte (Federico Pucci dixit) :
Voici la transcription de ce passage, extrait de la Vita Nuova de Dante :
Ai miei occhi apparve la gloriosa donna della mia mente, la quale fu da molti chiamata Beatrice. Io la vidi quasi dalla fine del mio anno nono. Apparve vestita di nobilissimo colore, cinta ed ornata alla guisa che alla sua giovanissima età si convenia. In quel punto dico veramente che lo spirito della vita cominciò a tremar sì fortemente che apparia nei menomi polsi orribilmente. E vedeala di sì nobili e laudabili portamenti, che si potea dire quella parola del poeta Omero: Ella non parea figliuola d'uomo mortale, ma di Dio.Une première remarque sur ce texte : même en voulant le traduire aujourd'hui en français moderne, il n'a rien d'aisé. Donc je vous laisse imaginer la difficulté de le traduire "automatiquement" il y a près de 90 ans...
Poi che furono passati tanti dì, nell'ultimo di questi, avvenne che questa mirabile donna apparve a me vestita di colore bianchissimo, in mezzo di due gentili donne, le quali erano di piu lunga età; e, passando per una via, volse gli occhi verso me e mi salutò molto virtuosamente, tanto che mi parve allora vedere tutti i termini della beatitudine.
Pour Federico Pucci, la première étape de sa méthode a consisté à mettre au point un système de clés internationales valables pour les langues romanes. Voici les deux tableaux qu'il nous propose :
Ces tableaux sont suivis par des normes d'application qui en précisent le fonctionnement :
Puis en appliquant ses propres normes à l'extrait de Dante :
et en expliquant comment quelqu'un qui ne connaît que sa propre langue (selon le titre de sa méthode : « Le traducteur mécanique et la méthode pour correspondre entre européens, chacun en connaissant uniquement sa propre langue »), est en mesure de faire simplement les bons choix (voir notamment les notes de [1] à [5]) :
il transpose ensuite ses normes d'application de l'italien au français :
pour tout l'extrait. Et Pucci précise : en procédant ainsi, on obtient automatiquement la traduction suivante :
À mes yeux apparut la glorieuse femme de ma pensée, laquelle était par bien des personnes appelée Béatrice. Je la vis depuis la fin de mon année neuvième. Elle apparut habillée d'une très noble couleur, ceinte et·ornée comme il se convenait à son très jeune âge. À ce point je dis vraiment que l'esprit de la vie commença à trembler si fortement qu'il apparaissait dans les très petits pouls horriblement. Et je la voyais de si nobles et louables contenances qu'on pouvait dire cette parole du poète Homère : elle ne semblait pas fille d'un homme mortel, mais de Dieu.Et Pucci de conclure (j'adapte) :
Après que tant de jours furent passés, dans le dernier de ceux-ci, il arriva, que cette femme admirable apparut à moi, habillée d'une couleur très blanche au milieu de deux femmes de condition, qui étaient d'un plus long âge ; en passant elle tourna les yeux vers moi et me salua très vertueusement de sorte que il me parut alors de voir tous les limites de la béatitude.
« Cette traduction est plutôt correcte, [sûrement meilleure] que celle que feraient des élèves du secondaire étudiant le français depuis quelques années. Or la question n'est pas d'obtenir une traduction parfaite, mais uniquement de comprendre, et il ne fait aucun doute qu'un français serait en mesure d'appréhender le sens du texte produit. »
Nous sommes face au concept du good enough en traduction, exposé dès 1931, l'auteur était alors âgé de 35 ans...
Ce n'est qu'à la page suivante que Federico Pucci propose l'exemple du français à l'italien de ce que j'avais initialement pris par erreur pour la première "traduction automatique" produite au monde (1931) !
Je ne peux que conclure en renouvelant mon appel à une université ou un acteur majeur de la traduction automatique qui serait en mesure de saisir l’importance de Monsieur Pucci dans l’histoire de la TA et de se lancer dans la construction d’un prototype fonctionnel des différentes déclinaisons de ses « machines à traduire », puisque ses livres fournissent déjà tous les éléments nécessaires pour reconstituer le cheminement de sa pensée et de ses inventions.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire