IA inside
*
Lors de la préparation d'un billet sur l'IA, le TALN, les communications et la guerre, je suis tombé sur cette note, concernant l'expérience de Georgetown-IBM du 7 janvier 1954 :
Il apparaît cependant que les énoncés en russe ont été choisis avec soin et que nombre des opérations effectuées pour la démonstration ont été adaptées à des mots et des phrases particuliers. De plus, il n'y a pas d'analyse relationnelle ou syntaxique permettant d'identifier la structure des phrases. La méthode employée est une méthode essentiellement lexicographique reposant sur un dictionnaire où un mot donné est relié à des règles et des démarches spécifiques.
La note décrit exactement, quand bien même partiellement, l'idée que je me suis fait de cette expérience anecdotique, tel qu'énoncé dans Federico Pucci censuré par Wikipedia :
... la première démonstration de l’histoire d’un système de traduction automatique à base de règles (RBMT, ou Rule-Based Machine Translation), est connue dans ses moindres détails : date, lieu, équipe, langues, déroulement, etc.
En fait, une anecdote plus qu’une véritable démonstration scientifique : nous sommes le 7 janvier 1954, à New York, au siège d’IBM, l’équipe est une collaboration entre la Georgetown University (M. Paul Garvin pour la partie linguistique) et IBM (M. Peter Sheridan pour la partie programmation), la paire de langues est le russe et l’anglais, un lexique de 250 mots choisis avec soin, quelques dizaines de phrases, 6 règles !
Le lendemain, IBM annonce dans un communiqué de presse :
And the giant computer, within a few seconds, turned the sentences into easily readable English.Ce même communiqué mentionnait cette phrase du professeur Leon Dostert, de l'Université de Georgetown, selon lequel, en l’espace de quelques années la traduction automatique aurait pu devenir réalité :
Doctor Dostert predicted that “five, perhaps three years hence, interlingual meaning conversion by electronic process in important functional areas of several languages may well be an accomplished fact.”Le ton optimiste de cette déclaration eut surtout pour effet d'inciter le gouvernement américain à mettre à disposition d’importantes sommes pour la recherche. De ce point de vue, l'objectif fut atteint ! Pour autant, dans la réalité, l'expérience « Georgetown University – IBM » fut suivie d’une décennie que tous les spécialistes de l'histoire de la TA s'accordent à définir comme « la grande désillusion ».
Je vais donc m'attarder sur la réalité de cette "expérience"...
*
Paul Garvin, mentionné plus haut, qui connaissait également le russe, était le principal responsable de la partie linguistique de la démonstration, qui visait essentiellement à tester la faisabilité de la traduction automatique avec des règles simples programmables.
- la règle 1 inversait l'ordre verbe-sujet dans certaines phrases (ex. : phrases 2, 7, 11, 13, 33-34, 45) ;
- la règle 3 traduisait les suffixes de cas, comme les accusatifs animés (ex. : phrase 32) ;
- la règle 5 sélectionnait l'article défini pour les constructions génitives (ex. : phrases 19, 20, 27-29) ;
- une "règle hyphen" était également utilisée pour diviser les racines et les suffixes dans la recherche du glossaire ;
- la routine de commande était limitée à deux équivalents pour la sélection et le réarrangement ;
- des simplifications étaient faites, comme limiter la distance des indices à un mot et ignorer les décisions grammaticales de second ordre (par exemple, le choix de prépositions spécifiques) ;
- des entrées arbitraires étaient utilisées dans le glossaire pour les cas non résolus.
Pour en revenir à l'article Wikipédia à l'origine de ce billet, il relate donc que « l'expérience Georgetown-IBM (...) comporte la traduction complètement automatique, en anglais, de plus de soixante phrases russes romanisées relatives aux domaines de la politique, du droit, des mathématiques et de la science », comme l'indique la note précédente (la 6).
Note qui précise également la source de cette citation :
(en) John Hutchins, From first conception to first demonstration: the nascent years of machine translation, 1947-1954. A chronology, in Machine Translation, 12, pp. 195-252.
Chose extraordinaire, dans la version mise à jour de ce même document [Corrected version (2005) of paper in: Machine Translation, vol.12 no.3, 1997, p.195-252, From first conception to first demonstration: the nascent years of machine translation, 1947-1954. A chronology, by John Hutchins], l'auteur mentionne l'événement suivant :
On 26 August 1949, the New York Times reported (page 9) from Salerno:Federico Pucci announced today that he had invented a machine that could translate copy from any language into any other language. He said that the machine was electrically operated, but refused to disclose details. He said that he would enter it in the Paris International Fair of Inventions next month.It is uncertain whether Pucci had any knowledge of Huskey’s proposals, and it seems most unlikely he knew about Weaver's memorandum or the British experiments. In any event, there is no trace of any demonstration at the Paris fair; and nothing more is known about Pucci.
Or c'est justement de cet entrefilet que part ma découverte de Federico Pucci !
*
Il est incroyable de constater que tout le peu qu'a pu produire le "cerveau électrique" d'IBM, n'est rien comparé au système qu'a inventé le "cerveau humain" de Federico Pucci un quart de siècle plus tôt !
Si, selon Garvin lui-même, l'expérience était fondamentalement limitée par son vocabulaire restreint, ses règles grammaticales simplifiées et son incapacité à gérer des traductions complexes, imaginons un instant qu'IBM ait pu travailler et mener sa démonstration en utilisant l'appareil théorique de Pucci, il n'est que de comparer le tableau de translittération d'IBM avec les tableaux de Pucci, sa maquette de fonctionnement ou leurs dictionnaires respectifs pour comprendre la distance intellectuelle considérable qui les sépare !
Un seul coup d'œil suffit à comprendre l'indigence conceptuelle d'IBM par rapport à clairvoyance invraisemblable et foisonnante de Pucci !
*
J'ai demandé à plusieurs IA de faire une comparaison entre les travaux de Federico Pucci dès 1929 et l'expérience de Georgetown-IBM du 7 janvier 1954. Les résultats sont très étonnants, d'autant plus que 25 ans les divisent...
Perplexity
Federico Pucci |
Georgetown-IBM |
Précurseur
conceptuel en posant les bases des systèmes de traduction fondés sur des
règles. |
Première
preuve expérimentale sur ordinateur de la traduction automatique, même si
très limitée. |
Propose la
première approche structurée documentée pour la traduction automatique
multilingue. |
Puissante
opération de communication scientifique, accélérant l’intérêt institutionnel
et public pour le domaine. |
Vision
pionnière mais limitée par la technologie disponible et la difficulté à
réaliser un prototype complet. |
Méthodes bien
plus rudimentaires, mais démonstration pratique réussie. |
- Federico Pucci est un précurseur visionnaire qui a posé un cadre conceptuel et méthodologique à la traduction automatique, anticipant des décennies d’innovation, mais sans la possibilité technique de concrétiser ni de diffuser à grande échelle ses idées.
- L’expérience Georgetown-IBM a marqué le tournant de la traduction automatique : pour la première fois, un prototype informatique offre une démonstration pratique, aussi limitée soit-elle, déclenchant une vague internationale d’intérêt et de financements.
- Leur différence fondamentale réside dans le passage du théorique (Pucci) à la preuve concrète par l’informatique (Georgetown-IBM), marquant deux étapes complémentaires et décisives de l’histoire du TALN.
Federico
Pucci |
Georgetown-IBM
(1954) |
|
|
Italie
d'après-guerre, recherche universitaire et linguistique expérimentale |
Guerre
froide, compétition technologique USA/URSS |
Créer un
système de TA multilingue basé sur la grammaire et la syntaxe |
Démontrer la
faisabilité de la TA anglais-russe à des fins scientifiques et militaires |
Orientation fortement
linguistique et grammaticale |
Expérience principalement
démonstrative, à but propagandiste/scientifique |
Approche
fondée sur des règles linguistiques formelles, analyse syntaxique et
sémantique |
Liste
limitée de règles (statistiques simples), vocabulaire de 250 mots, 6
règles de grammaire |
Italien ↔
d'autres langues européennes |
Anglais →
Russe |
Système linguistiquement
explicite basé sur la syntaxe, la morphologie et la traduction structurée |
Prototype
symbolique, très limité, pas généralisable sans amélioration |
Volonté de
créer une architecture complète de TA (précurseur des systèmes basés
sur les règles) |
Première démonstration
publique, mais très contrôlée (phrases choisies à l’avance) |
Contribution
modeste mais fondée sur une réflexion linguistique profonde |
Fort impact
médiatique et politique (soutien du gouvernement américain) |
Peu connu à
l’international, faible diffusion, peu de moyens, mais pionnier dans sa
vision d’intégration de la linguistique théorique à la TA |
Résultats non
généralisables, pas de compréhension du langage naturel |
- L’expérience Georgetown-IBM marque le début médiatisé de la traduction automatique dans l’histoire de l’informatique. Elle a été le point de départ de nombreux financements, mais aussi de désillusions.
- En revanche, Federico Pucci, à travers ses travaux moins connus, s’inscrit dans une lignée plus théorique et linguistique, susceptible d'influencer les approches ultérieures dites "basées sur les règles".
- Ces deux trajectoires illustrent deux visages fondateurs de la TA : l’un spectaculaire et politique, l’autre rigoureux et scientifique.
Critère |
Federico Pucci |
Georgetown-IBM (1954) |
Nature des travaux |
Système de TA multilingue à base de règles linguistiques |
Démonstration de traduction automatique anglais → russe |
Type de TA |
Symbolique / à base de règles (Rule-Based MT) |
Symbolique / démonstratif (pré-TALN) |
Langues concernées |
Italien ↔ langues européennes (notamment français,
anglais, allemand) |
Anglais → russe uniquement |
Volume lexical utilisé |
Vocabulaire étendu et modulaire |
250 mots environ |
Grammaire / syntaxe |
Analyse syntaxique profonde, arbres de dépendance,
traitement des structures |
6 règles grammaticales simples appliquées à des phrases
sélectionnées |
Analyse linguistique |
Basée sur une réflexion linguistique formelle, intégration
de la morphologie |
Très limitée, centrée sur la substitution lexicale et
l’ordre des mots |
Traitement morphologique |
OUI – Systèmes d’analyse morpho-syntaxique |
NON – Morphologie très peu exploitée |
Dictionnaires |
Dictionnaires bilingues enrichis et couplés à des règles
contextuelles |
Dictionnaire simple, sans gestion du contexte |
Gestion des ambiguïtés |
Par règles de désambiguïsation syntaxique et morphologique |
Aucune gestion des ambiguïtés – corpus contrôlé |
Architecture logicielle |
Système modulaire conçu pour être extensible |
Programme ad hoc, non généralisable |
Sortie / rendu |
Phrase-cible générée par transformation syntaxique |
Affichage de la traduction mot à mot sur imprimante |
Exemples de traitement |
Subordination, déclinaisons, accord sujet-verbe |
Traductions simples de phrases scientifiques ex :
"The oil is in the tank." |
Objectif scientifique |
Élaborer un modèle généralisable de TA à partir de modèles
linguistiques |
Montrer la faisabilité technique d’une TA en contexte
militaire et scientifique |
Accès aux données / corpus |
Données textuelles linguistiquement annotées à la main |
Corpus très restreint, sélectionné manuellement |
Interaction avec la linguistique |
Étroitement liée à la linguistique structurale et à la
grammaire générative |
Faible ; essentiellement démonstratif |
Impact sur la recherche |
Contributions reconnues localement ; peu diffusées hors
Italie |
Fort impact politique, financement massif de la TA dans
les années 1950–60 |
Limites reconnues |
Nécessité de plus de puissance de calcul et de données |
Dépendance à un corpus fermé, absence de généralisation |
- Federico Pucci a tenté d’inventer une grammaire universelle appliquée à la traduction, en s’appuyant sur la rigueur linguistique — une approche visionnaire mais limitée par les moyens techniques de son époque.
- Georgetown-IBM a été un coup médiatique et politique, basé sur une performance sous contrôle, qui a lancé un âge d’or… suivi d’un âge de glace après le rapport ALPAC (1966), qui soulignait la faiblesse réelle des résultats.
Aspect |
Federico Pucci |
Expérience Georgetown-IBM |
Période |
Années 1920-1930 |
7 janvier 1954 |
Contexte Technologique |
Système mécanique |
Ordinateur IBM 701 |
Méthode |
Basée sur des règles |
Basée sur des règles et vocabulaire limité |
Reconnaissance |
Peu reconnue de son vivant |
Large reconnaissance immédiate |
Impact |
Redécouverte récente |
Début de l'ère de la traduction automatique assistée par
ordinateur |
Federico Pucci et l'expérience Georgetown-IBM représentent
deux moments clés dans l'histoire de la traduction automatique, mais ils
diffèrent considérablement en termes de contexte, de technologie et de
reconnaissance. Voici une comparaison détaillée :
Federico Pucci
- Contexte
historique :
- Période :
Pucci a commencé ses travaux sur la traduction automatique dès les années
1920 et a publié ses idées dans les années 1930.
- Contexte
technologique : à cette époque, les ordinateurs modernes
n'existaient pas encore. Pucci a donc dû concevoir un système mécanique
pour effectuer la traduction.
- Innovations
:
- Méthode
basée sur des règles : Pucci a développé le premier méthode
documentée au monde de traduction automatique basée sur des règles. Il a
décrit son système dans un opuscule publié en 1931 intitulé "Il
traduttore meccanico ed il metodo per corrispondersi fra europei, conoscendo
ciascuno solo la propria lingua: Parte I".
- Macchina
per tradurre : Il a conçu une "machine à traduire"
qui, selon ses descriptions, aurait pu traduire des textes entre
différentes langues. Ce concept était révolutionnaire pour l'époque, car
il précédait l'avènement des ordinateurs modernes.
- Reconnaissance
:
- Manque
de reconnaissance : malgré ses innovations, Pucci n'a pas reçu
la reconnaissance qu'il méritait de son vivant. Ses travaux ont été
largement ignorés jusqu'à ce qu'ils soient redécouverts récemment par des
chercheurs comme Jean Marie Le Ray.
Expérience Georgetown-IBM
- Contexte
historique :
- Date :
l'expérience Georgetown-IBM a eu lieu le 7 janvier 1954.
- Contexte
technologique : à cette époque, les ordinateurs commençaient à
se développer, et l'expérience a utilisé un ordinateur IBM 701, l'un des
premiers ordinateurs commerciaux.
- Innovations
:
- Démonstration
publique : l'expérience a été la première démonstration publique
de traduction automatique. Elle a traduit avec succès plus de soixante
phrases du russe vers l'anglais, utilisant un vocabulaire de 250 mots et
six règles grammaticales.
- Utilisation
de l'ordinateur : contrairement à Pucci, qui avait conçu un
système mécanique, l'expérience Georgetown-IBM a utilisé un ordinateur,
marquant ainsi le début de l'ère de la traduction automatique assistée
par ordinateur.
- Reconnaissance
:
- Impact
immédiat : l'expérience a eu un impact immédiat et a été
largement médiatisée, attirant l'attention du public et des chercheurs
sur le potentiel de la traduction automatique.
- Développement
continu : cette démonstration a marqué le début d'un
développement continu dans le domaine de la traduction automatique,
conduisant à des avancées significatives au fil des décennies.
Conclusion :
- Federico Pucci a été un pionnier visionnaire qui a anticipé de nombreuses idées de la traduction automatique bien avant l'avènement des ordinateurs. Son travail, bien que peu reconnu à l'époque, a jeté des bases pour des développements futurs.
- L'expérience Georgetown-IBM, en revanche, a marqué un tournant dans l'histoire de la traduction automatique en démontrant publiquement le potentiel des ordinateurs pour cette tâche, attirant ainsi l'attention et les ressources nécessaires pour des recherches ultérieures.
Caractéristique |
Federico Pucci (Années 1920-1940) |
Expérience Georgetown-IBM (1954) |
Période |
Pré-informatique / début de l'ère électromécanique |
Début de l'ère des ordinateurs numériques (mainframe) |
Nature du projet |
Conception théorique, brevets, publication de livres |
Démonstration publique d'un système fonctionnel (sur
ordinateur) |
Portée |
Vaste vision d'une "machine à traduire"
polyvalente |
Démonstration ciblée Russe-Anglais, vocabulaire et règles
limitées |
Technologie |
Machines mécaniques, électriques, photoélectriques
(conceptuel) |
Ordinateur IBM 701 (réalisation concrète, bien que
rudimentaire) |
Langues |
Vise une communication "entre européens"
(généraliste) |
Russe vers Anglais (contexte géopolitique de la Guerre
Froide) |
Impact immédiat |
Très limité, quasi-oublié pendant des décennies |
Énorme, déclencheur de financements et d'une vague
d'optimisme |
Contribution |
Précurseur conceptuel de la TA basée sur des règles |
Première démonstration publique influente et catalyseur de
la recherche |
Federico Pucci : le visionnaire oublié (Années 1920-1940)
Federico Pucci est un pionnier italien longtemps resté
dans l'ombre, dont les travaux ont précédé de plusieurs décennies les
développements américains et russes en traduction automatique.
- Contexte
historique : Pucci développe ses idées dès la fin des années 1920 et
publie son ouvrage "Il traduttore meccanico" en 1931.
C'est une période où l'informatique, telle que nous la connaissons,
n'existe pas encore. Les concepts sont purement mécaniques,
électro-mécaniques ou théoriques.
- Approche
:
- Système
basé sur des règles : Pucci a conceptualisé un système de traduction
automatique fondé sur des règles linguistiques. Son approche impliquait
de diviser le texte en unités de sens (morphèmes) et de les transposer
dans la langue cible selon des règles prédéfinies, avec l'idée que le
récepteur ajusterait l'ordre des mots.
- Objectif
de communication simplifiée : L'une de ses motivations principales
était de permettre la communication entre des personnes ne connaissant
que leur propre langue.
- Théorique
avant tout : Il n'a jamais construit de prototype fonctionnel de sa
machine. Ses contributions sont restées au stade conceptuel et théorique,
bien que détaillées.
- Précocité
: Son travail est antérieur aux brevets d'Artsrouni (France) et
Trojanskij (Russie) de 1933, et de l'intuition de Warren Weaver de 1949.
- Impact
: L'impact initial de Pucci fut limité en raison de sa
non-réalisation concrète et d'un manque de diffusion internationale de
ses travaux. Sa reconnaissance est très récente, grâce à des efforts de
recherche visant à réécrire l'histoire de la TA. Il est désormais vu comme
un précurseur visionnaire.
L'expérience Georgetown-IBM : la démonstration fondatrice
(7 Janvier 1954)
L'expérience Georgetown-IBM est souvent citée comme le point
de départ public et médiatisé de la traduction automatique moderne.
- Contexte
historique : Elle a lieu en 1954, après la Seconde Guerre
mondiale et au début de la Guerre Froide. Il y a un fort intérêt politique
et militaire pour la traduction rapide de documents russes en anglais. Les
premiers ordinateurs numériques programmables commencent à émerger (comme
l'IBM 701 utilisé).
- Approche
:
- Système
basé sur des règles (avec dictionnaire) : Le système était conçu pour
traduire automatiquement plus de soixante phrases du russe vers
l'anglais. Il utilisait un vocabulaire limité (environ 250 mots-racines
et des désinences) et seulement six règles grammaticales.
- Approche
lexicographique : Le système était principalement basé sur un
dictionnaire où chaque mot russe était associé à des traductions
anglaises possibles et à des règles de réorganisation ou d'omission.
- Utilisation
d'un ordinateur réel : Contrairement à Pucci, l'expérience a utilisé
l'ordinateur mainframe IBM 701, montrant une faisabilité technique, même
à petite échelle.
- Domaine
spécifique : Les phrases traduites provenaient principalement du
domaine de la chimie organique et de sujets généraux limités.
- Impact
: L'expérience Georgetown-IBM eut un impact médiatique et
institutionnel colossal.
- Elle
a généré un optimisme démesuré quant à la résolution rapide du
problème de la traduction automatique ("trois à cinq ans" selon
les prévisions de l'époque).
- Elle
a débloqué des financements massifs pour la recherche en
traduction automatique et en linguistique computationnelle,
principalement aux États-Unis.
- Bien
que très limitée en scope et utilisant des "règles dures"
souvent adaptées aux phrases de démonstration, elle a prouvé la faisabilité
conceptuelle et technique de la TA par ordinateur.
- En substance, Pucci a eu la vision remarquable et détaillée d'une machine à traduire bien avant que la technologie ne puisse la concrétiser. Il est le théoricien inaugural.
- L'expérience Georgetown-IBM, quant à elle, a été la première réalisation concrète et médiatisée de cette vision, même si elle était très rudimentaire. Elle a prouvé que la traduction automatique n'était pas seulement une idée folle, mais une possibilité tangible grâce aux ordinateurs, ouvrant ainsi la voie à des décennies de recherche et de développement, pour le meilleur et pour le pire.
- L'histoire de la traduction automatique est donc celle de pionniers visionnaires comme Pucci, suivie par des démonstrations marquantes comme celle de Georgetown-IBM qui ont su capter l'attention et les ressources nécessaires pour transformer ces rêves en réalité, étape par étape.
Innovation conceptuelle précoce :
- Pucci
développa le concept d'une machine de traduction automatique dès 1931,
soit plus de 20 ans avant Georgetown-IBM
- Son
invention fut présentée comme une machine électrique capable de traduire
"de n'importe quelle langue vers n'importe quelle autre"
- Il
s'agissait d'une approche purement mécanique/électrique, sans ordinateur
Objectif universel :
- L'ambition
de Pucci était plus large : permettre la communication entre personnes
"ne connaissant que leur propre langue"
- Approche
universelle dès le départ (toutes langues vers toutes langues)
L'expérience Georgetown-IBM (7 janvier 1954)
Première démonstration informatique : L'expérience
Georgetown-IBM était une démonstration influente de traduction automatique,
réalisée le 7 janvier 1954, développée conjointement par l'Université
Georgetown et IBM, impliquant la traduction complètement automatique de plus de
soixante phrases russes en anglais.
Caractéristiques techniques :
- Bien
qu'il s'agisse d'une expérience à petite échelle avec seulement 250 mots
et six règles de "grammaire", elle utilisait un véritable
ordinateur IBM
- Focalisée
spécifiquement sur la paire russe-anglais
- Les
déclarations portaient sur la politique, le droit, les mathématiques, la
chimie, la métallurgie, les communications et les affaires militaires.
Différences fondamentales
Innovation vs. Réalisation :
- Pucci
: visionnaire conceptuel avec une approche mécanique/électrique
- Georgetown-IBM
: première implémentation informatique réussie
Portée :
- Pucci
: ambition universelle multilingue
- Georgetown-IBM
: démonstration ciblée d'une paire linguistique
Impact historique :
- Pucci
: largement oublié malgré sa priorité temporelle
- Georgetown-IBM
: causa un grand intérêt public et beaucoup de controverses, devenant le
point de référence historique officiel
Technologies :
- Pucci
: machines électromécaniques des années 1930-1940
- Georgetown-IBM
: premiers ordinateurs IBM des années 1950
L'ironie historique est frappante : Pucci anticipa de deux
décennies les concepts que Georgetown-IBM matérialisa, mais seule la seconde
resta dans les mémoires comme le véritable début de la traduction automatique
informatisée.
D'où la nécessité de réécrire l'histoire de la traduction automatique, ajouterais-je...
*
Contexte historique et innovations de Federico Pucci
Federico Pucci est aujourd'hui reconnu comme un pionnier
méconnu de la traduction automatique, avec des travaux débutant dès décembre
1929, lorsqu'il a présenté son étude sur le "traducteur mécanique" à
Salerne, en Italie. Sa méthode innovante consistait à diviser le texte en
morphèmes (unités de sens minimales), à les transposer dans la langue cible, et
à permettre au destinataire de réorganiser les mots dans sa langue maternelle.
Pucci utilisait également des idéogrammes, des symboles universels basés sur
l'espéranto, pour représenter des concepts de base et dérivés, anticipant des
idées comme la simplification des langues et les traductions "suffisamment
bonnes" pour une communication efficace.
Son travail a été exposé à plusieurs reprises lors
d'expositions nationales et internationales, recevant une reconnaissance sous
forme de médailles. Voici un tableau récapitulatif de ses participations et
récompenses :
Année |
Événement |
Récompense |
1930 |
Exposition Nationale de Bolzano |
Médaille d'argent |
1930 |
Foire de Cuneo |
Médaille d'argent |
1935 |
Concours International d'Inventions, Paris |
Médaille d'argent |
1950 |
Concours d'Inventions de Liège |
Médaille d'argent |
1934 |
Foire du Levant, Bari |
Participation |
1936 |
Leipzig |
Participation |
1949 |
Foire de Paris |
Participation |
Pucci a également publié dix livres entre 1931 et 1960,
détaillant ses idées sur les machines à traduire. Parmi eux, on trouve :
- 1931
: Il traduttore meccanico ed il metodo per corrispondersi fra europei
conoscendo ciascuno solo la propria lingua: Parte I
- 1949
: Serie delle grammatiche dinamiche, pratiche, ragionate,
storico-comparate: Parte I. Per coloro che in pochi giorni desiderano
acquistare una conoscenza elementare della lingua straniera. [fasc.] I.
Inglese
- 1949
(français) : Le traducteur dynamo-mécanique: L'invention pour traduire les
langues de l'occident sans les connaitre presque sans dictionnaire. Op. I:
anglais-francais
- 1949
: Il traduttore dinamo-meccanico: Serie A. L'invenzione per la traduzione
immediata e rapida nelle lingue dell'Occidente senza conoscerle e quasi
senza vocabolario... [fasc.] 1. francese - italiano
- 1949
: Il traduttore dinamo-meccanico: Serie A. L'invenzione per la traduzione
immediata e rapida nelle lingue dell'Occidente senza conoscerle e quasi
senza vocabolario... [fasc.] 2. Inglese - italiano
- 1950
: Grammatica dinamica della Lingua tedesca: (linee fondamentali)
- 1950
: Il traduttore dinamo-meccanico: Tipo libro macchina. Serie a.
L'invenzione per la traduzione immediata e rapida nelle langues
dell'Occidente senza conoscerle e quasi senza vocabolario. [fasc.] 1.
Italiano-Inglese
- 1952
: Il traduttore dinamo-meccanico: Serie B. L'invenzione per la traduzione
immediata e rapida nelle langues dell'Occidente senza conoscerle e quasi
senza vocabolario... [fasc.] 1. Italiano - Francese
- 1958
: Vocabolario mobile italiano - francese: (parte Traduttore Meccanico)
- 1960
: Il traduttore dinamo-meccanico: Serie A. L'invenzione per la traduzione
immediata e rapida nelle langues dell'Occidente senza conoscerle e quasi
senza vocabolario... Tedesco – Italiano
Malgré ces efforts, son travail est resté conceptuel et n'a pas abouti à une
machine fonctionnelle de son vivant. Son rôle a été redécouvert
récemment, notamment grâce à des recherches menées en collaboration avec sa
petite-fille, Oriana de Majo, et documentées dans des blogs comme Translation
2.0 et Adscriptor. Ces sources, datant de 2017 à 2019, soulignent que Pucci est
le premier précurseur de la traduction automatique, antérieur à d'autres
pionniers comme Georges Artsrouni et Petr Petrov-Smirnov Troyanskij, dont les
brevets datent de 1933.
Détails de l'expérience Georgetown-IBM
L'expérience
Georgetown-IBM, menée le 7 janvier 1954, est souvent citée comme la première
démonstration publique de traduction automatique. Organisée par IBM et
l'université de Georgetown, avec le soutien de la CIA et du département d'État
américain, elle visait à traduire des phrases russes en anglais en temps réel.
Un ordinateur IBM 701, programmé avec un vocabulaire de 250 mots et 6 règles
grammaticales, a traduit 60 phrases, démontrant la faisabilité de la traduction
automatique à l'aide de la technologie informatique.
Cet
événement a été largement médiatisé et a marqué un tournant dans le domaine,
stimulant des recherches ultérieures. Cependant, le système était limité, ne
couvrant qu'un vocabulaire restreint et des phrases simples, et n'était pas
conçu pour des traductions complexes. Malgré ces limitations, il est
considéré comme le point de départ de la traduction automatique moderne, avec
un impact immédiat sur la recherche et le développement technologique.
Comparaison détaillée :
Chronologie et antériorité
La principale différence réside dans la chronologie : Pucci
a commencé ses travaux en 1929, soit plus de deux décennies avant l'expérience
Georgetown-IBM en 1954. Cela fait de Pucci un précurseur bien antérieur, mais
son travail n'a pas eu d'impact immédiat, restant dans l'ombre jusqu'à des
recherches récentes. Georgetown-IBM, en revanche, a bénéficié d'une
reconnaissance immédiate grâce à sa démonstration publique et à son contexte
géopolitique, notamment pendant la Guerre froide, où la traduction automatique
était vue comme un outil stratégique.
Approche technique
Les approches diffèrent également. Pucci proposait une
méthode mécanique, basée sur des morphèmes et des idéogrammes, visant une
traduction universelle entre les langues européennes, avec une vision de
machines portables et peu coûteuses. Georgetown-IBM, en revanche, utilisait un
ordinateur, marquant le début de l'utilisation de la technologie informatique
pour la traduction, avec une approche basée sur des règles grammaticales et un
vocabulaire limité.
Impact et reconnaissance
L'impact de Georgetown-IBM a été immédiat, lançant des
recherches approfondies et établissant un jalon historique dans la traduction
automatique. Pucci, bien que visionnaire, a vu son travail largement ignoré de
son vivant. Des appels récents, notamment dans des publications comme
Translation 2.0 (2019), suggèrent que son rôle devrait être davantage reconnu,
avec des propositions pour que des universités ou des acteurs majeurs comme
Google développent des prototypes basés sur ses idées. Cependant, à ce jour,
aucune mise en œuvre pratique n'a été réalisée à partir de ses concepts.
Controverses et legacy
Une controverse subsiste autour de la reconnaissance
historique : pourquoi Pucci a-t-il été oublié alors que Georgetown-IBM est
célébré ? Les recherches récentes, notamment celles menées en 2018 et 2019,
tentent de corriger cette omission, soulignant que Pucci a anticipé des
concepts clés, comme la simplification linguistique, qui sont devenus centraux
dans les systèmes modernes de traduction automatique, notamment avec
l'émergence de la traduction neuronale.
Conclusion
En
somme, Federico Pucci a posé les bases conceptuelles de la traduction
automatique bien avant l'expérience Georgetown-IBM, mais son impact a été
retardé par le manque de reconnaissance. Georgetown-IBM, bien que plus
tardive, a marqué un moment charnière en démontrant la faisabilité d'une
traduction automatique fonctionnelle, avec un effet immédiat sur la recherche.
Les deux contributions sont importantes : Pucci pour sa vision pionnière et
Georgetown-IBM pour son rôle dans le lancement de la traduction automatique
moderne. Les efforts
actuels pour redécouvrir Pucci soulignent l'importance de reconnaître les
précurseurs oubliés dans l'histoire technologique.
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